2000-11-planchemag

planchemag 11/2000

Des frères ingénieux
ATTIRES PAR LA MER

Premiers symptômes : Dominique est branché surf, Bruno plutôt fun. 1979! Bruno champion de France junior en 420.
Automne 1984 : la solution apparaît, il faut un seul cerf-volant, et non pas plusieurs en train (les uns derrières les autres).
Mars 1985 : run à 17 nœuds sur des skis, à la Semaine de vitesse de Brest. Prix de l'ingéniosité,
1986 : équipés d'une aile de 17m2, ils sont plus rapides que les planch-istes dans le petit temps, avec un run à 15 nœuds, quand les planches pla-fonnent à 10 nœuds.
1993-1994 : première com-mercialisation d'une aile avec un petit cata gon-flable, pour le grand public. Un flop, avant le succès.

Entretien avec un inventeur de génie

LA SAGA WIPIKA

BRUNO ET DOMINIQUE LEGAIGNOUX SONT PASSÉS PAR DE NOMBREUX DÉLIRES AQUATIQUES QUI LEUR ONT PERMIS D'ABOUTIR À LA WIPIKA

Une évidence, l'aile marine ? Pas vraiment. Sur des skis, en bateau, en cata, mais avec combien d'ailes au fait ? La redécollabilité reste encore aujourd'hui un casse-tête pour les fabricants. Il n'y a pas de secret, ces deux frères n'ont pas hésité à se mouiller pour avancer, sans se soucier de l'œil moqueur des gens aux pratiques installées. Pari réussi pour Bruno et Dominique Legaignoux.

PM : Comment as-tu eu le déclic sur les ailes de traction ?
J'ai acheté un bateau de croisière pour faire le tour du monde. Mon frère aussi, il est parti de son côté avec un pote, et moi avec ma femme. On a fait une bonne balade jusqu'à Dakar, puis on a commencé à réfléchir sur les voiles. Jacob Slider avait le record du monde dans les années 1983-84, il allait plus vite que les autres sur son Tornado tracté par des cerfs-volants, même sans foils. On savait qu'on pouvait remonter au vent, mais on n'avait jamais fait voler un cerf-volant.

PM : Et tu t'es lancé dans la fabrication d'ailes...
On a construit un proto, juste pour apprendre la théorie, puis plusieurs ailes. On s'est intéressés peu à peu à la structure, ce n'était pas compliqué. On a fabriqué un train de cerfs-volants (plusieurs les uns derrière les autres ). On a essayé avec une annexe, puis une planche, c'était ingérable. On a fait un deuxième train de cerfs-volants, au lieu de 12 ailes de 1/2m², on en a mis 3 de 2m², rigidifiées par une latte de carbone. On a construit des skis nautiques, ça paraissait simple pour le démarrage, mais les ailes n'étaient pas redécollables. À l'automne 1984, la solution était plus claire, il fallait un seul cerf-volant ! En grande surface, l'aile rigide était trop lourde et non redécollable, on s'est orienté vers une structure gonflable. On ne pouvait pas la fabriquer au Sénégal, donc on est remontés en France fin 1984 pour déposer un brevet.

PM : Quels sont les termes du brevet ?
C'est une aile à structure gonflable, adaptée à l'usage nautique grâce à sa forme. Naish a racheté le brevet. Ils mettent au point un programme de dessin pour générer des plans plus facilement . C'est le même principe pour les voiles de planche, on retrouve les mêmes ressemblances . Quand le concept marche , on travaille sur les profils, les matériaux.

LE MILIEU DE LA PLANCHE ETAIT TRES FERME A L'EPOQUE (84-85), CAR CA MARCHAIT TRES FORT.

PM : Que penses-tu de l'évolution du fly ?
C'est le boom, c'est bon. Bien sûr, il y a des opportunistes, mais dans l'ensemble il y a une prise de conscience du problème de la sécu, notamment de la part des pratiquants, donc ça se passe plutôt bien. Concernant la course au matos, je dis toujours et encore : attention à ne pas faire comme pour la planche à voile !

PM : Justement, comment peut-on améliorer la sécu ?
C'est notre souci constant. C'est pourquoi on a créé Wipika Club International, un concept d'écoles affiliées qui commence à bien marcher. Les gens se rendent compte qu'il faut passer par une école. Nos moniteurs obtiennent automatiquement l'équivalence FFVL s'ils veulent enseigner en France. Il y a d'autres voies : la 4 lignes, mais elle ne concerne pas (encore) le débutant, plutôt le rider moyen. On va sortir notre barre 4 lignes d'ici peu. Les lignes courtes sont aussi à développer. Nous développons le VARC : Variable Aspect Ratio Concept. Chaque aile a un aspect ratio qui lui donne une vitesse appropriée à la force du vent. Fini les grandes ailes trop lentes et les petites trop rapides donc dangereuses.

PM : Le fly pourra-t-il devenir un sport aussi populaire que la planche, ou est-il réservé à une élite ?
La question que je me pose, c'est: va-t-il devenir plus populaire ? Il en a le potentiel, il intéresse à priori une plus large frange de la population, plus de marchés aussi. Reste à le démocratiser, à le rendre plus accessible. Si on n'y arrive pas, le marché restera relativement limité, je suis d'accord. Comment y parvenir ? Pour moi, il faut passer par des flotteurs auto-porteurs, car le waterstart n'est pas à la portée de tous. De plus, c'est le seul moyen de réduire fortement la longueur des lignes, paramètre indispensable à la pratique sur les plages l'été. Dernier élément indispensable : les prix doivent baisser largement et l'on teste actuellement des solutions prometteuses.
Il restera un obstacle : le fossé entre les pratiques grand public et élitiste. Il ne faut pas que cette pratique grand public soit cataloguée "blaireaux" par les médias (suivez mon regard) et le public, comme ce fut le cas dans la planche à voile. C'est un risque si le matos est très différent en termes de look et de performance.

Origine du nom Wipika: Le petit cata gonflable, on l'appelait " wing propelled inflatable catamaran ", on a repris les premières lettres, et ça a donné Wipika.